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AIMER : INNE OU ACQUIS ? CELA S'APPREND. UNE CONFERENCE DE BRIGITTE EVRARD A L' ASSOBAT 15 octobre 2013


                                                






Combien de fois, en effet,  n'ai-je pas entendu des phrases comme :
    « je ne suis pas capable d'aimer, je ne sens pas, j'ai peur d'aimer... ». 

Combien de fois n'ai-je pas perçu ce besoin de certains d'être sans cesse rassurés, 
entendu leur quête incessante d'un amour absolu,
leur peur de l'élan de l'autre,
leur terreur de l'abandon...
et combien de fois n'ai-je pas rencontré de personnes provoquant  dans   leur entourage une réaction de rejet, d'incompréhension, ...

Et sur un autre plan, ce qui m'a interpellée à plusieurs reprises de manière assez dure,
c'est de constater à quel point la relation entre un thérapeute et son client pouvait devenir une histoire d'amour/haine,
une histoire dans laquelle on s'accroche et se repousse l'un l'autre.

Qu'est-ce qui se jouait dans ces phénomènes ?
C'est le transfert et le contre-transfert me direz-vous ! 
Oui ; bien sûr, mais encore...

Comme je suis d'une nature curieuse, j'ai cherché à comprendre !

C'est évidemment aussi d'abord et avant tout en me confrontant à mes propres difficultés à aimer... ou ne pas aimer. 
Toute une série de questions m'ont traversée :
Comment moi, j'aime l'autre ? 
Pourquoi de cette manière et pas d'une autre ?
Comment se fait-il que j'aime certaines personnes et pas d'autres,
pourquoi est-il parfois si difficile d'aimer,
d'où me vient cette impression de douter de ce que je ressens ?...
C'est quoi aimer ?
Est-ce inné ?
Est-ce appris... et si oui, où donc ?  Et comment ?

Alors, en tant que thérapeute, qu'avais-je à prendre en compte de ce domaine ?
Jusqu'où, avais-je quelque chose à prendre en compte ? 
Et comment ?

Alors, « Aimer »... cet élan tellement universel et tellement différent d'une personne à l'autre est devenu, en quelque sorte, mon domaine préféré d'exploration,
et c'est une des raisons de ma présence ici :
partager avec vous où j'en suis dans cette compréhension...

En effet, de plus en plus, il m'a paru important pour les professionnels de la relation d'aide que nous sommes, de posséder des clés théoriques pour réfléchir à cet aspect essentiel de la vie humaine, au coeur de notre travail, afin d'avoir des repères pour nous guider dans nos interventions, et dans notre réflexion éthique.

En abordant le thème de cette façon, vous aurez certainement compris que nous sommes là
au coeur du royaume des phénomènes de transfert et de contre-transfert.
Je pourrais donc traduire ce que je viens de dire en d'autres termes, et vous dire que ce que je cherche à partager avec vous, c'est ma compréhension de la manière dont les mécanismes de transfert et de contre-transfert s'insinuent dans nos relations ! 


Dans mon propos je développerai

Pour commencer la manière dont l'être humain construit sa capacité à aimer en partant de la description du développement de l'enfant. (du moins ce que je peux vous en dire sur 1h)
J'envisagerai en particulier le rôle, dans ce processus, de la reconnaissance et de la construction des frontières individuelles qui me paraissent être au coeur de l'origine tant de la capacité à aimer l'autre, qu'à l'estime de soi.

Je ferai le lien ensuite avec différents concepts d'AT

Pour déboucher ensuite, si nous en avons le temps, les implications de cette compréhension sur le processus thérapeutique ainsi que les règles et le cadre nécessaire au changement (et les règles éthiques).




1.    COMPOSANTES ET QUELQUES DEFINITIONS

« Aimer », un mot que tout le monde connaît, et qui est pourtant tellement flou : si j'en demandais la définition ici, chacun en aurait une définition différente !  Pourtant, nous avons tous l'impression de savoir de quoi il s'agit !

1.1.    Tout d'abord quel est le lien entre « Aimer » et « s'attacher »
Aimer : symétrie
S'attacher : dissymétrie.  Attachement dans le sens défini par la théorie de l'attachement amorcée par J. BOWLBY. ; attachement se produit pport à une personne qui assure une sécurité (ou sensée l'être)

1.2.    Les différentes formes d'amour selon les grecs :
AGAPÊ ; EROS ; PHILIA ; STORGÊ
Agapē (ἀγάπη) est le mot grec pour l'amour « divin » et « inconditionnel », amour spirituel.  Les philosophes grecs du temps de Platon l'utilisaient dans un sens supposé universel, c'est-à-dire opposé à un amour personnel ; cela pouvait signifier l'amour de la vérité, ou de l'humanité.
Eros est l'amour physique,
Storgê : l'amour familial et
Philia, l'amitié, le lien social. 

1.3.    Etre « Sujet » en lien avec un autre « sujet »
Lorsque l'on parle d'aimer, on parle de lien, de relation,
Donc il s'agit d'une personne qui ressent un élan vers une autre personne, entre en contact avec elle,  et répète ce contact répété à travers le temps avec une autre personne.  Il y a donc pour les 2 partenaires une notion de durée et une projection dans le futur, qui évoque aussi beaucoup l'attachement.  Chacun des partenaires a une représentation interne de cette relation qui dure, de sorte que l'un et l'autre dise « j'aime untel » « je suis aimé par untel » .
Nous verrons dans la suite en quoi la reconnaissance aussi joue un rôle important dans cette construction.
Nous verrons dans la suite comment reconnaissance, besoins,  s'articulent.

Aimer, c'est une danse ensemble...  Il y a du plaisir à évoluer ensemble et... des faux pas !
Où est-elle apprise ?



2.    QUESTION D'AMOUR : MOI et L'AUTRE conditions pour qu'aimer soit possible ou « comment l'adulte construit sa relation d'amour »


2.1.    Frontière soi-Autre, individuation, différenciation : En effet, aimer suppose que chacun ait de bonne frontières personnelles, qu'il soit différencié (individuation). Dans le cas contraire, l'apparente relation n'est jamais qu'une fusion, une symbiose, il n'y a pas vraiment 2 personnes... Peut-on alors parler d'aimer ???  Il s'agirait plutôt d'attachement, comme un enfant qui ne peut vivre seul.
2.2.    Narcissisme primaire : l'individu doit avoir reçu sur lui un regard positif, qu'il ait senti qu'il était le bienvenu sur terre !
2.3.    Capacité d'établir le lien, de s'engager (s'attacher), respecter l'autre et soi
2.4.    Choix de la distance avec l'autre : si je ne peux choisir, je suis dépendant de l'autre, ou l'autre est dépendant de moi...



3.    LE DEVELOPPEMENT DE L'INDIVIDU : APPRENTISSAGES

Le vivant apprend, cf les pissenlits apprennent !
Danse de l'approche et la distance : apprentissage corporel
La croissance est une suite d'apprentissages qui se produisent dans une alternance de croissance au sein d'un contenant, suivie d'une « sortie » de ce contenant, càd de séparation.
Grandir, c'est grandir dans le lien.
Etre adulte, ce n'est pas être indépendant des autres, mais pouvoir choisir ses relations càd choisir de qui je serai dépendant et qui sera dépendant de moi, et comment, jusqu'où.  (ma définition de l'inter-dépendance).
L'apprentissage que l'enfant fait portera sur plusieurs plans :
    - Comment il vit le « contenant »
    - Comment il vit l'accordage
−    Comment les « ratés » d'accordage seront restaurés.
Sa « sensibilité »... et dès lors ses « conclusions » seront dépendantes également du « stade » de développement qu'il a atteint (cf oral-anal-phallique...-)


3.1.    La dyade mère-enfant... et le père, généralités
3.2.    Le foetus : enregistre sensations, tensions, mouvements bien être/mal être
3.3.    La naissance et la période de dépendance absolue (0-2 mois) : cataclysme, tensions, douleurs, changements brutaux... accueil
3.4.    La période de dépendance relative : 2-8 mois
3.5.    L'amorce de l'autonomie motrice : 8 mois- 2ans 

Tout ce vécu s'ancre dans le corps et crée ce que Berne a appelé « Protocole » :  l'apprentissage s'ancre dans le corps.  C'est dans son corps que l'enfant enregistre « comment il est respecté », comment il peut réparer les ratés du contact avec sa « mère », comment elle répare les ratés du contact avec lui, comment aussi il est respecté dans ses besoins de non-contact !!!
La reconnaissance à ce stade se manifeste dans le mouvement de l'un vers l'autre, dans l'acceptation des tentatives tant de la mère que du bébé, de restaurer le contact, ou d'accepter qu'il n'ait pas lieu
Il va donc « ancrer » des croyances à un niveau corporel ;
Si tout se passe bien il se sentira quelqu'un qui vaut la peine d'être respecté, aimé...  Mais il pourrait aussi conclure qu'il doit se soumettre, ou qu'au contraire, il peut tout faire : maman est ma servante et j'en fais ce que je veux


3.6.    Le langage
3.7.    La triangulation, le Père comme séparateur, l'Oedipe : 3 ans
3.8.    La socialisation, l'école
Processus relationnel, apprentissages qui vont confirmer ou compenser les apprentissages précédents, mais à chaque moment de stress, l'enfant ira chercher ses ressources dans ses « bases », les apprentissages les plus anciens.
3.9.    L'adolescence.  Réorganisation, poids du groupe, prise de distance par rapport à soi, vie spirituelle....
3.10.    L'âge adulte... la professionnelle, la vie de couple, les enfants....

Bowlby, Winnicott, Cornell, Fonagy... neurosciences
Freud, Piaget, courant psychanalytique de la relation d'objet
Jessica Benjamin

4.    LES ETATS DU MOI STRUCTURAUX SELON J. GREGOIRE

4.1.    Je bouscule les repères AT classique,
4.2.    Le développement sur la ligne de temps (dessin)


5.    LES APPRENTISSAGES

5.1.    Le rôle de la reconnaissance : Spitz, psychanalyste ; Ricoeur ; Honneth etc...
En particulier : Jessica BENJAMIN

Pour exister à nos propres yeux, nous devons exister pour un Autre.
Personne ne peut se dégager de la dépendance de l'autre, du besoin de reconnaissance.  Pour pouvoir se vivre d'égal à égal avec les autres humains, l'enfant doit vivre des relations dans lesquelles il est reconnu ET reconnaît l'autre.  C'est cet équilibre entre les deux mouvements qui lui permet de se différencier. 

La reconnaissance  est cette réaction qu'a l'autre qui me permet de donner sens à mes émotions, intentions et actions.  Pour le tout petit, la « reconnaissance » passe par le corps, le mouvement, le regard, les bruits...  C'est la reconnaissance de l'autre qui permet au « moi » de prendre concrètement conscience de son pouvoir d'action.

La reconnaissance inclut non seulement la réaction/confirmation de l'autre, mais aussi mon propre vécu de cette réaction.  L'enfant a du plaisir à percevoir la réaction à ses propres actes.
Ces « réponses contingentes » confirment l'enfant dans son activité et le bébé s'engage dans des activités dans lesquelles il a un impact.  Les bébés cherchent à partager l'expérience émotionnelle avec leur mère, et pas seulement à vérifier qu'elle est là quand ils vont vers leurs jouets
L'enfant a du plaisir à ETRE AVEC l'autre.


La reconnaissance est un élément présent à toutes les phases de développement, dans tous les événements.  Un peu comme la lumière du soleil est présente et nécessaire dans toutes les phases de la photosynthèse car elle fournit l'énergie qui permet à la plante de transformer les éléments nécessaires à sa croissance.

L'individu qui a vécu des interactions positives a une frontière souple, lui permettant de rentrer en lien avec l'autre sans risque de « se perdre »

Atteindre la position d'égalité nécessite que j'aie fait l'expérience de partage.  Dans l'interaction intersubjective, les deux partenaires sont actifs, il n'y a pas un qui fait et l'autre qui subit, et donc pas de renversement de positions.  « Etre avec » annule l'opposition entre puissant et impuissant ; passif et actif.  C'est la base de la compassion.
Pour exister à nos propres yeux, nous devons exister pour un Autre.



5.2.    Les couacs
On peut alors observer ce qui se passe lorsque ce fragile équilibre relationnel dérape :
Par exemple, l'enfant ne peut plus ni s'engager ni se dégager de la relation dans laquelle il ne se sent ni séparé, ni uni, dans laquelle même le retrait est impossible.  Le contenant n'est pas adéquat.
Dans un processus négatif de reconnaissance, il vit par exemple, que la solitude n'est possible qu'en oblitérant, niant l'autre.  Ou bien il vit que  l'accordage n'est possible qu'en se soumettant à l'autre.  Il doit alors créer une frontière « défensive » »contre l'autre, alors que l'individu qui a vécu des interactions plus positives a une frontière plus souple, qui lui permet d'être en lien avec l'autre sans risque de « se perdre »

Les dérapages conduiront par exemple aux apprentissages suivants :
Je suis tout puissant : L'enfant croit qu'il peut être indépendant sans avoir à reconnaître l'autre (maman est ma servante et fait tout ce que je veux) ;
L'Autre n'est pas séparé (elle m'appartient, je la contrôle) ;
La mère est toute puissante et l'enfant se vit impuissant, et fait des efforts pour être celui qu'il croit que sa mère attend ;

Dans la dialectique du contrôle : si je contrôle totalement l'autre, il cesse d'exister, si je suis totalement contrôlé par l'autre, je cesse d'exister. 
(Pensons à l'éducation « dressage », fréquente dans les générations qui nous précèdent...)

Donc adulte, la personne va entrer en relation avec l'autre avec tous ces apprentissages/souvenirs comme bagages, comme repères.
En particulier dans les relations amoureuses, nos sommes stimulés dans le vécu corporel.  C'est donc une « occasion » de raviver des souvenirs corporels de la petite enfance, et nos attentes peuvent alors être celles de l'enfant qui rêve d'avoir ce que sa mère, ou son père, n'a pas pu lui offrir comme présence...  Ou bien, il répète ce qu'il sait de « comment cela marche »... et fait « plus de la même chose »... qui va provoquer... plus du même résultat » !



6.    ET L'AT  ?

6.1.    Le protocole
6.2.    Scénario
6.3.    Symbiose
6.4.    Racket
6.5.    Jeux psychologiques, jeux de pouvoir
6.6.    Et le transfert là-dedans ?

7.    CONSEQUENCES SUR LE PLAN THERAPEUTIQUE

7.1.    Le lien thérapeutique :
Au vu de ce que j'ai développé ci-dessus, vous conviendrez que le lien thérapeutique ne peut ressembler QUE au type de lien que la personne a l'habitude de créer avec les autres !  Donc, ce lien sera empreint de tous les apprentissages relationnels.
Il s'agira de chercher quels sont ceux sur lesquels s'appuyer et... s'attendre aux autres !
La question pour le thérapeute et son client devient : quel cadre se donner pour permettre l'apprentissage de nouvelles manière d'entrer en lien, tant avec les autres qu'avec soi-même
Càd : quelles conditions doivent-elles être remplies pour que de nouveaux apprentissages soient possibles

7.2.    Le cadre
Eric Berne a beaucoup mis en avant la question du contrat, qui est une forme de cadre.  Mais l'accent est surtout mis sur l'objectif à atteindre.
Les autres conditions (à part celles qu'il appelle « le contrat d'affaire ») sont peu explicites... et pourtant
Dans son ouvrage « Structure des organisations et des groupes », il décrit clairement l'importance des frontières.  Il est dommage que peu d'attention ait été porté jusqu'ici à cette notion de « cadre »
Contenant protecteur, cadre-appui, limite de ce qui est possible, c'est au sein de ce contenant-relation que le travail va s'effectuer.
Acceptation, soumission, transgression, rébellion... Choix
Réf à l'article très intéressant de Jean Maquet à ce sujet.. 
Faire le dessin...
C'est donc au sein de ce cadre, que les apprentissages relationnels auront à être explorés.  La question est aussi : comment faire pour qu'ils puissent être explorés en sécurité ?

La réponse à cette question tient à 2 axes :
Le premier, c'est la solidité de la théorie de référence, (cf séminaire ac Jean)
Le second, les règles éthiques et déontologiques...
L'un est en lien direct avec l'autre !



8.    ETHIQUE ET DEONTOLOGIE


Si notre code-charte éthique insiste tellement sur l'importance des priorités de contrat,
C'est pour le respect des frontières, de la neutralité, le maintien du cadre.

Si l'EATA a mis au point une procédure de médiation, c'est pour permettre une triangulation « hors de »
J'entends très souvent dire : « le thérapeute doit protéger son client »...  je pense que c'est impossible !!!!  Par contre, le rôle du thérapeute est d'offrir un CADRE tel que l'exploration du vécu du client soit possible... ce qui est bien différent.  Exige neutralité, bienveillance, accords par rapport au travail à accomplir, formation continue...


Congrès de Freiburg Mai 2013

Atelier


LE FAMILIER ET L'INCONNU DANS LES CONCEPTS DE BERNE: Plan de l'atelier Zone de texte

V7 du 3 Mai

JEAN MAQUET (TSTA, C ET JEAN-PIERRE QUAZZA CTA, O,  PARIS-FRANKREICH)

Le familier et l’inconnu dans les concepts de Berne: vers une reconstruction du concept de reconnaissance - Illustration d'une méthode de recherche en AT

Congres DGTA de FREIBURG le samedi 11 Mai 2013 de  14 h 30 H à ? (16 h 30 ou 17 h)

75    Le familier et l’inconnu dans les concepts de Berne: vers une reconstruction du concept de reconnaissance - Illustration d'une méthode de recherche en AT"

Das Bekannte und das Fremde in den Konzepten von Berne: Zur Rekonstruktion des Begriffes der Anerkennung - Illustration eines Forschungsansatzes in der TA

Jean-Pierre Quazza/ Jean Maquet

Raumbezeichnung:    Kehl 1 (Novotel) Vortrag

Introduction - Présentation - Qui nous sommes ? - le séminaire fil d’Ariane et ses caractéristiques.

  • Présentation JM et JPQ.


  • Outre présentation de nos « credentials » en AT,insister sur le fait que Jean a fait de la recherche dans un laboratoire pendant X ans, et qu’il est Dr en Physique et que Jean-Pierre, après 27 ans de pratique dans les ressources humaines a été durant  10 ans Directeur d’Etudes dans ce même domaine.


  • Nous avons fondé avec Brigitte Evrard (TSTA Psy, Bruxelles) un séminaire de recherche en 2012, après avoir participé à un travail du même type dans un autre groupe de 2007 à 2011.


  • Nos croyances :



    • L’AT a besoin d’une théorie solide, à la fois pour dialoguer avec des collègues venant d’autres disciplines et pour assurer les fondements de nos pratiques.

    • Comme l’a montré Ingo Rath l’histoire des débuts de l’AT a conduit à privilégier la transmission facilitée par  la préférence de par Berne pour la simplicité, pour la diffusion et, à la fin de sa vie, pour l’institutionnalisation. Pour autant, l’origine de l’AT se situe bien dans une recherche personnelle de Berne, éventuellement appuyée sur un groupe de réflexion, les Séminaires de San-Francisco.

    • Berne lui-même, en voulant couvrir un maximum de champ dans un minimum de temps a fait des approximations théoriques qu’il nous faut  aussi repérer et mettre en débat.  

    • C’est pourquoi nous travaillons d’abord sur les concepts berniens ; après une première étude sur les Transactions, nous avons choisi depuis 3 ans de nous intéresser au concept de Reconnaissance. C’est l’avancement de ce travail que nous vous présentons aujourd’hui.  

Jean-Pierre 5 ‘


Première partie - Pourquoi une critique de la théorie bernienne est nécessaire ? - Quelques exemples d’inconsistances de Berne


  • Berne a construit la théorie de l’AT avant tout comme une extension de la théorie des états du moi de Paul Federn et Edouardo Weiss. Dans « Analyse transactionnelle et psychothérapie » Berne affirme son indépendance vis-à-vis de la théorie de la psychanalyse mais le lecteur attentif  perçoit rapidement que Berne se contredit dans les faits : il n’utilise quasiment jamais le terme « inconscient » mais recourt sans cesse à cette notion ; ainsi il parle d’états du moi latents, d’investissement (psychique). Or ces notions sont vides de sens si la théorie « se vide » de l’inconscient.


  • Restons un instant sur la théorie des états du moi : Berne a érigé en principe la facilité d’accès à sa théorie ; il a prétendu ne devoir recourir qu’à un langage simple et concret. Or de nombreux analystes transactionnels savent que les différents niveaux de cette théorie  sont difficiles à articuler : par exemple l’aspect fonctionnel et l’aspect structural.  Une clé essentielle dans cette tâche d’articulation  est fournie par la théorie de l’appareil psychique, texte renvoyé en fin d’ouvrage, texte d’un très haut niveau d’abstraction.

  • De cela découlent des incohérences dans les différentes lectures de la théorie proposées par Berne ou ses successeurs.

Très concrètement : Berne, toujours dans ce même ouvrage, ne cesse de passer d’une acception du terme état du moi à une autre. Selon les cas il s’agit du vécu d’un sujet à un moment donné, ou bien d’une catégorie de vécu (E,A, P), ou bien encore d’un système de personnalité traitant le vécu selon son mode propre (systèmes de programmation interne, externe, de probabilité).


  • Comme l’un d’entre nous a eu l’occasion de l’écrire, Berne a développé une pensée « qui ne fait  guère de place à l’incertitude, au doute, au rôle de l’hypothèse (...). Souvent (il) procède sur le mode : présentation d’un concept sous forme d’une définition,  application à un matériel clinique, affirmation des vertus heuristiques du concept, affirmation des potentialités d’application. (...) on le voit rarement douter, remettre en question sa théorie. » (J Maquet AAT)


  • Par exemple une analyse de la théorie des transactions fait ressortir deux utilisations possibles du concept de transaction. Berne n’en a pas exploré les conséquences, pourtant importantes.

  • Ces deux utilisations renvoient à deux paradigmes différents : dans l’une on isole et analyse a posteriori des unités réduites d’échanges et de communication ; par exemple Berne décrit une transaction entre Camelia et Rosinda. Dans l’autre la transaction est conçue comme véhicule porteur d’action sur l’autre (en particulier en visant un changement d’état du Moi) ; par exemple, toute la théorie des opérations thérapeutiques repose sur cette conception.

    • Envisageons une conséquence pratique : dans les situations asymétriques et d’autorité (psychothérapie, enseignement, formation, management, etc.) si la prédominance est laissée au deuxième paradigme, les enjeux de pouvoir ne sont pas analysés.  Il existe un risque majeur de manipulation du client.

    • Afin de respecter l'autonomie du client il est nécessaire de réintroduire l’analyse du transfert  et du contre-transfert. Or cette analyse fait appel au premier paradigme.

    • Une conscience de l’inscription du concept dans deux paradigmes différents peut donc s’avérer d’une grande importance.


  • Comme nous allons le voir Berne a moins créé la notion de reconnaissance qu’une constellation de notions. Il n’a cependant pas approfondi les articulations entre elles.  Cela a entraîné des interprétations diverses, souvent divergentes. Et par voie de conséquence : des pratiques qui ne respectent pas suffisamment l’équilibre entre vision intrapsychique et vision communication-nelle de la personnalité, ce qui est pourtant au cœur de l’idée bernienne de psychiatrie sociale.

  • Par exemple Berne a introduit l’idée de « nod of recognition ». Quelques lignes avant il a présenté la reconnaissance comme une forme appartenant au registre symbolique. Or le terme de signe de reconnaissance réfère au registre comportemental. A partir de là une lecture purement comportementaliste est autorisée, qui souvent dans les pratiques s’accompagne d’un déni de la dimension symbolique. Nous y reviendrons.

JEAN  15’

Deuxième partie : Notre méthodologie : comment fait-on pour questionner la théorie ? - Illustration sur la reconnaissance

Méthode

  • L’objectif de notre démarche de recherche : refonder les concepts d’AT, là où cela apparaît nécessaire. Cela comporte 3 aspects : renforcer leur légitimité par une articulation cohérente 1/avec les autres concepts de la théorie ; 2/ avec les concepts d’autres théories (par exemple, comme Berne y invite, la psychanalyse, mais pas seulement) ; 3/ avec les connaissances psychologiques et sociologiques actuelles.

  • Le travail analytique et critique :

    • il porte sur une étude fouillée des sources : textes du corpus de l’AT (Berne et successeurs), textes extérieurs à ce corpus, invoqués comme sources bibliographiques

    • L’analyse proprement dite : analyse du texte, analyse du raisonnement. Il s’agit de suivre scrupuleusement le cheminement de la réflexion de Berne. 

  • L’identification des aspects problématiques du concept : c’est un diagnostic des points clés à traiter dans les phases suivantes.

  • Elaboration/résolution des problématiques identifiées : il s’agit d’élaborer la problématique et de la résoudre ou de proposer des voies de résolution.

  • Propositions scientifiquement étayées de transformation-refondation du concept

  • Logique d’interaction systémique entre ces différentes phases : par exemple  on pourra s’apercevoir que l’analyse d’une problématique amène à une reprise de la phase analytique et critique (ajout de sources, lecture plus approfondie des sources), etc.


Application de cette méthode à la reconnaissance


  • Parmi les motivations de cet objectif en ce qui concerne spécifiquement la reconnaissance :

    • C’est avec la reconnaissance, comme motivation des contacts sociaux, que Berne articule « psychiatrie de l’individu » et « psychiatrie sociale ». Il s’agit donc d’une position stratégique : articuler l’intrapsychique et l’interpersonnel, marque distinctive de l’AT. Or Berne n’a consacré que 2,5 pages à cette notion dans « AT et psychothérapie » et ses exposés ultérieurs reprendront ce texte presque sans modification majeure.

    • Berne introduit la reconnaissance en même temps que d’autres notions : stimulation, symbolisation, sans définir les termes, sans interroger de façon critique les liens qu’il suppose entre elles: définition de notion, postulat, transition d’une notion à une autre, appel à des références bibliographiques, usage de métaphores, généralisations, position d’hypothèses, …


  • Deux constats peuvent justifier l’intérêt de la phase analytique et critique :

    • les développements écrits de la main de Berne sont très peu nombreux : six brefs paragraphes dans  Analyse transactionnelle et Psychothérapie . Les textes suivants sont comparables en extension et sont souvent des reprises des textes précédents, parfois sur le mode de la copie littérale.

    • le concept de reconnaissance est difficile à cerner en lui-même. Berne a plutôt esquissé une constellation de notions affiliées. Nous avons ainsi extrait les termes suivants, Ainsi en suivant l’ordre d’apparition au fil du texte de  Analyse transactionnelle et psychothérapie, de Structure et Dynamique des Organisations et des Groupes et de Des jeux et des hommes, on trouve : stimuli, stimulus hunger, nod of recognition, recognition, recognition hunger, symbols of recognition, forms of recognition, stroke, stroking.

  • Illustrons maintenant une des conclusions que nous tirons de l’analyse du cheminement de la pensée de Berne

    • Berne a introduit le terme de stimuli et posé l’hypothèse d’un lien entre le maintien d’edm cohérents et l’existence d’un flux de stimuli sensoriels toujours nouveaux, en se référant à des résultats d’expériences de privation sensorielle chez l’adulte (Heron)

    • Ensuite il invoque les résultats des études de R. Spitz portant sur des nourrissons en institution et donne à présent la priorité au facteur de privation affective sur le facteur de privation sensorielle. Berne ne commente pas ce glissement d’un point de vue critique.

  • Enfin il introduit l’idée d’un lien entre le « social handling » et l’ « intimité physique » : « : « les formes les plus importantes et les plus efficaces de stimulation sensorielle sont fournies par les échanges sociaux [social handling] et par l’intimité physique. »

  • Il introduit ensuite successivement les termes de « stimulus hunger », de « stimulation », de reconnaissance, de « recognition-hunger ».

  • Arrêtons-nous sur cette dernière formule et récapitulons les glissements successifs opérés par Berne et non argumentés.

  • Hypothèse du lien cohérence des edm-flux de stimuli-expériences privation  sensorielle adultes, exp privation affective chez le nourrisson

  • Postulat, non présenté comme tel, d’une homogénéité entre « social handling » et « intimité physique »

  • Introduction du terme reconnaissance avec l’expression : « He learns to do with more subtle, even symbolic forms of handling, … ».

  • Qu’entend-il par symbolique ?

  • Berne semble le préciser en énonçant : « The stimulus-hunger, with its first order sublimation  into recognition-hunger »

  • Mais s’agit là d’une explication purement formelle, ou si l’on veut nominaliste, qui n’explique rien quant au fond

  • Par ailleurs Berne fait référence au terme de sublimation, emprunté à la psychanalyse, sans préciser ce qu’il entend par ce terme. Il se réfère donc à une lecture psychanalytique du fonctionnement psychique, laquelle donne une place toute particulière au psychique, en tant que différent du somatique. Citons à ce propos Winnicott qui conçoit le handling (terme utilisé par Berne) comme l’articulation entre psychique et somatique. Selon lui par le « handling » : « La psyché prend possession (indwelling) du soma ».

  • C’est ce que nous entendons par : « identification des aspects problématiques du concept ».

  • Il en découle que le travail d’étayage du concept de reconnaissance en AT devra passer par une analyse des notions du symbolique et de l’articulation du somatique et du psychique.

JEAN 15 ‘


Troisième partie : Questionner la théorie de l’extérieur : nos lectures sur la reconnaissance.

Deux lectures sur la reconnaissance viennent mettre en question certains postulats berniens.

1/ La psychanalyste New-Yorkaise Jessica Benjamin (Benjamin, J., The Bonds of Love, Psychoanalysis, Feminism and the Problem of Domination.Random House, 1988.)

La reconnaissance de l’autre

En posant la reconnaissance comme pivot de l'articulation entre intrapsychique et intersubjectif, elle  décrit un processus très similaire à ce qu'a fait Berne.


  • C’est la reconnaissance de l’autre qui donne du sens à mes émotions. Mais pour cela je dois donner à l’autre ce pouvoir ou ce droit, de me reconnaître. Cette reconnaissance mutuelle est la seule possibilité d’introduire ultérieurement la différentiation.


  • Le besoin de  reconnaissance est le concept qui relie l’intrapsychique (incorporations, expulsions, identifications) et l’intersubjectif,

    • non pas dans une séquence d’évènements (stimulus/réponse),

    • mais comme un élément permanent de la relation.


  • Le paradoxe:  “je ne   gagne mon autonomie qu’au travers de la reconnaissance d’un autre dont je suis dépendant”,


  • introduit une tension, une lutte qui fait « déraper » le développement au cas où je ne peux reconnaître ma dépendance vis à vis de quelqu’un que je ne contrôle pas.


  • La reconnaissance exige donc d’accepter ce point de fragilité entre une affirmation de soi et reconnaissance de l’autre.

    • Ainsi le besoin de reconnaissance constitue-t-il le concept qui relie le fonctionnement psychique interne (avec les incorporations, les expulsions, les identifications) et l’intersubjectif.

    • A chaque instant cette acceptation peut s’abolir  si une réification de l’un ou l’autre partenaire, ou du lien de reconnaissance qui les relie, venait à se produire.

    • Pour vivre d’égal à égal avec les autres humains, l’individu se doit de tenir cette position inconfortable.

    • L'accordage n'est possible qu'en se soumettant à l'autre.  Le paradoxe est que l'enfant, non seulement doit acquérir son indépendance, mais doit être reconnu indépendant par les personnes mêmes dont il est le plus dépendant.

    • Benjamin retrouve ici la dialectique maître-esclave développée par Hegel.



  • Dans l'interaction intersubjective, les deux partenaires sont actifs : « Recognition is not a sequence of events, like the phases of maturation and development, but a constant element through all events and phases.  Recognition might be compared to that essential element in photosynthesis, sunlight »



2/ Le philosophe de l’Ecole de Francfort (Directeur de l’Institut für Sozialforschung)Axel Honneth (Honneth, A., Kampf um Anerkennung: Zur moralischen Grammatik sozialer Konflikte (Suhrkamp-Taschenbuch. Wissenschaft 2000.)

  • Pour fonder une « société réconciliée de citoyens libres », il faut jouer sur deux degrés de reconnaissance mutuelle :

    • La relation des parents et des enfants : afin que les enfants deviennent des « sujets se reconnaissant comme êtres aimants animés de besoins affectifs ».

    • la  fondation de « l’immédiateté de l’être reconnu » trouve son origine dans les relations parents-enfants (« la relation d’amour représente idéalement une symbiose réfractée par la reconnaissance… »),

    • elle n’est abandonnée qu’avec l’introduction du contrat qui suppose une réciprocité des échanges. Les échanges contractuels : droit formel de répondre par oui ou par non à toutes transaction proposée

  • La référence à Hegel et à sa théorie de la constitution du sujet, notamment avec l’étape de la dialectique du maître et de l’esclave.

    • Avec un thème essentiel qui est celui du désir, avec cette formule hégélienne selon laquelle l’amour doit se comprendre comme « être soi-même dans un étranger »


  • La mise en évidence de trois formes de reconnaissance mutuelle :

    • préjuridique (amour>confiance en soi),

    • juridique (contrat > respect de soi)

    • et sociale (éthicité de Hegel et division coopérative du travail selon Mead >estime de soi)

      • Selon Mead, Le respect de soi apparaît lorsque

        • l’individu est « confirmé » par ses partenaires d’interaction

        • Le respect de soi suppose d’être reconnu comme membre de la communauté.

        • Elle permet la réciprocité de l’estime par la reconnaissance des contributions de chacun.

(rappelons ici que Berne fait explicitement référence à Mead pour fonder le caractère interpersonnel des concepts qu’il forge).

  • Comme Hegel, Honneth postule que l’accès à la reconnaissance passe par une perception de sa négation, c’est à dire l’expérience de  la violence, du mépris personnel ou de la dévalorisation sociale à chacun des stades décrits précédemment.

  • La non-reconnaissance ou le mépris entraînent la résistance et la révolte (Sartre). « L’auto-réalisation individuelle suppose une autonomie légalement garantie.




JEAN-PIERRE 15’


Quatrième partie : Réarticuler  une théorie

Il s’agit maintenant d’illustrer deux pistes possibles de réarticulation, à titre d’illustration de notre démarche. D’autres pistes sont bien entendu possibles et la suite de notre recherche devra sélectionner les plus pertinentes.

  1. Passer d’une théorie du besoin à une théorie du désir :

    • L’inspiration de Berne dans les années 60 d’introduire la notion de reconnaissance pour établir un lien entre fonctionnement intrapsychique de l’individu et fonctionnement inter-individuel était particulièrement pertinente : elle visait à dégager la psychologie de la théorie freudienne trop monadique, un sujet enfermé en lui-même en quelque sorte

    • Mais du fait d’un manque d’approfondissement de sa théorisation il a finalement laissé l’exclusive à l’interprétation comportementaliste de la reconnaissance

    • La notion même de soif de reconnaissance (recognition hunger) assimile celle-ci à un besoin que l’on satisfait, comme un besoin du corps, en mettant en œuvre une bonne gestion de soi, selon une conception quasi-machinique du rapport à soi (moi comme objet que j’entretiens).

    • Or la reconnaissance est éminemment relationnelle et elle ne s’assouvit pas comme une faim, comme un besoin : car nul être humain ne peut consister en un objet de consommation pour l’autre, sans quoi il y a dérive vers les formes de mépris isolées par Honneth.

    • La reconnaissance est de l’ordre du désir ; et désirer c’est plus qu’avoir besoin, c’est éprouver un besoin comme un élan vers une représentation de ce qui est absent et une anticipation du plaisir, sans que jamais la jouissance obtenue n’éteigne le désir.

    • Nous pourrions tenter la formule : La reconnaissance est une disposition de l’être en relation, comme désir elle connaît des rencontres, non des assouvissements


  1. Lecture de la reconnaissance en termes de capacité :

    • J. Benjamin, dans son cadre de théorie intersubjective, situe la reconnaissance comme une capacité qui émerge au sein de la relation du Soi avec l’Autre que soi

    • Donnons quelques éclairages sur les pistes que cela ouvre sur un plan clinique en AT :

  • Articulation entre l’intrapsychique et l’intersubjectif : selon une lecture psychogénétique l’on s’intéressera à l’histoire des péripéties de la reconnaissance pour  un patient (lien avec la constitution du scénario)

    • en termes structuraux, ces péripéties relationnelles ont entraînées des mémorisations archéo et extéropsychiques ; en termes relationnels elles entraînent des distorsions de la relation à l’autre

  • L’étude systématique du développement des capacités de reconnaissance dans leur dimension intersubjective au cours de la psychogenèse pourrait être entreprise : en résumé quel est l’enjeu de la reconnaissance à chaque étape de la croissance ?

    • Ceci ouvre sur un diagnostic sous l’angle de la reconnaissance permettant de mieux appréhender quels sont les enjeux relationnels majeurs dans une relation patient-thérapeute donnée : il s’agira de spécifier cette donnée générale que la résolution du transfert dans la thérapie équivaut à une conquête de l’égalité de deux consciences, au terme d’une lutte pour la reconnaissance – quels sont les enjeux de reconnaissance pour tel patient ? A quel moment du processus thérapeutique ?

  • L’objectif de la psychothérapie se différencierait mieux, en termes de théorie de la reconnaissance, d’un objectif de type éducatif vers lequel l’interprétation comportementaliste en termes de besoin de reconnaissance tire le clinicien.

  • La visée de la psychothérapie retrouverait une lisibilité cohérente quand on la considère sous l’angle de la reconnaissance : la thérapie peut être conçue comme visant à une meilleure connaissance de soi, une re-connaissance de soi, là où le patient s’ignorait lui-même ; le processus de la thérapie consiste à déjouer les illusions de la fausse reconnaissance et à remettre en mouvement cette « essentielle tension entre affirmation de soi et reconnaissance mutuelle qui permet au Soi et à l’Autre que soi de se rencontrer en tant que sujets souverains » (Benjamin)


Si l’on fait maintenant  un retour sur la place du symbolique dans la pensée bernienne 

    1. à la lecture des différentes contributions extérieures à l’AT sur lesquelles nous nous appuyons, il est manifeste que la reconnaissance est éminemment relationnelle et qu’elle ne s’assouvit pas comme une faim : car nul être humain ne peut consister en un objet de consommation pour l’autre, sans quoi il y a dérive vers les formes de mépris isolées par Honneth.

    2. à ce titre on voit bien l’impasse bernienne dans le fait qu’il indique comme emblématique de l’intimité la crase, ou fusion des personnalités ; l’alternative offerte par la conception intersubjective de la reconnaissance est au contraire de voir l’intimité dans la rencontre amoureuse comme un jeu, dans un sens winnicottien, jeu animé par des enjeux de reconnaissance mutuelle.


Dans la critique que nous faisons du maniement des concepts par Berne (et ici il convient de lui ajouter Steiner, qui est l’un des premiers à avoir poursuivi sa réflexions dans ce domaine particulier) une place particulière doit être faite à la construction d’une économie des strokes.


Rappelons la démarche théorique de Berne:


  • Berne :

    • Passe de la stimulation à la reconnaissance,

    • De la reconnaissance au signe qui la manifeste (le « signe de reconnaissance »)

    • Ensuite il passe à l’économie de ce signe,

    • Pour ce faire, il suppose qu’il existe une quantification d’unités discrètes (séparées) qui peuvent se quantifier en nombre (quantité échangée) et en origine: réception (donner, recevoir, accepter, refuser).  

    • Comme le rappelle Steiner ( « Scripts people live ») Le stroke est le nom donné par Berne à l’ ”interpersonal communication unit ”.

        • Au fond,  on est ici dans la même perspective théorique que celle que Berne a utilisée pour les transactions, c’est à dire une perspective Batesonnienne basée sur la transmission de messages séparables en unités entre un émetteur et un récepteur.

        • De plus on est ici dans une construction d’un espace d’échanges, donc dans la symbolisation du symbole, donc dans une abstraction de plus en plus grande par rapport aux partenaires qui échangent quelque chose.

  • Cette abstraction tirée de la théorie économique n’est nulle part aussi évidente que  du côté de Claude Steiner  (qui a présenté son papier sur l’économie des strokes au SFSPS juste après la mort de Berne)

    • d’entrée prend une position politique et non scientifique, par rapport à la psychiatrie.

    • De ce point de vue, l’économie ne se comprend pas ici dans la perspective Freudienne ou même Reichienne dune énergie psychique qui augmenterai ou diminuerait , mais dans une perspective de quasi marché de quantités d’échanges.

    • A l’inverse de Reich  qui lorsqu’il parle de “sex economy” veut parler de la répression qui contraint à la fois l’individu et la collectivité, Steiner invente une économie des strokes, Steiner aborde cette économie comme un marché qui est plus ou moins manipulé dans le sens de la rareté. De ce fait il en vient à postuler que peu importe qui donne le stroke, pour peu que celui-ci soit émis et reçu, un peu comme un échange électronique entre deux comptes en banque.

    • Ces strokes sont abordés sous leur angle quantitatif de nombre de strokes échangés , comme indépendants de la relation et de l’énergie intra psychique des partenaires en cause.

          • Bien entendu, cette conception a très tôt donné lieu à des dérives dans le champ des pratiques de groupes et d’organisations, dérives connues sous le nom de “plastic strokes”    .


    • Notre hypothèse est que ces dérives n’ont pu se produire que parce que ces signes de reconnaissance, et plus encore cette économie des signes de reconnaissance, se sont très tôt affranchis de la reconnaissance sous-jacente pour se concentrer sur cette cascade de symboles, bientôt d’ailleurs ré-interprétés en comportements faiblement (ou pas du tout) liés à la reconnaissance elle- même et à la relation interpersonnelle.   


    • Implications pratiques pour le travail transactionnaliste dans les organisations.

      • Sortir de l’économie des strokes pour re-entrer dans la reconnaissance liée à la relation et en particulier entre les personnes qui ont quelquechose à faire ensemble et entre lesquelles peut se créer une relation plus ou moins transférentielles  (par exemple le  chef et les membres de son équipe).

      • Réintégrer la question de la reconnaissance dans le cadre plus large de la culture des organisations (au sens bernien) et articuler reconnaissance personnelle et type de reconnaissance au sein de l’organisation.


Redonner la parole aux participants

JEAN 10 ‘ Jean-Pierre 7 ‘


Conclusion : ce qui nous reste à faire.

  • Proposer une définition de la reconnaissance

  • Décrire la fonction de ce concept de différents points de vue :

    • Conséquences des carences de reconnaissance sur le fonctionnement intrapsychique

  • Spécifier les transformations du concept lorsque l’on passe du niveau des relations d’individu à individu, au niveau proprement social-collectif

  • Problèmes à résoudre :

    • Articuler reconnaissance et stimulation

    • Tirer les conséquences du changement de cadre de référence : Berne pense dans un cadre mi-pulsionnel mi-relation d’objet, Benjamin dans un cadre relation d’objet intersubjectif

  1. Jean et Jean-Pierre 5 ‘


TOTAL : 1 h et 12 mn