Combien de fois, en effet, n'ai-je pas entendu des phrases comme :
« je ne suis pas capable d'aimer, je ne sens pas, j'ai peur d'aimer... ».
Combien de fois n'ai-je pas perçu ce besoin de certains d'être sans cesse rassurés,
entendu leur quête incessante d'un amour absolu,
leur peur de l'élan de l'autre,
leur terreur de l'abandon...
et
combien de fois n'ai-je pas rencontré de personnes provoquant dans
leur entourage une réaction de rejet, d'incompréhension, ...
Et sur un autre plan, ce qui m'a interpellée à plusieurs reprises de manière assez dure,
c'est de constater à quel point la relation entre un thérapeute et son client pouvait devenir une histoire d'amour/haine,
une histoire dans laquelle on s'accroche et se repousse l'un l'autre.
Qu'est-ce qui se jouait dans ces phénomènes ?
C'est le transfert et le contre-transfert me direz-vous !
Oui ; bien sûr, mais encore...
Comme je suis d'une nature curieuse, j'ai cherché à comprendre !
C'est évidemment aussi d'abord et avant tout en me confrontant à mes propres difficultés à aimer... ou ne pas aimer.
Toute une série de questions m'ont traversée :
Comment moi, j'aime l'autre ?
Pourquoi de cette manière et pas d'une autre ?
Comment se fait-il que j'aime certaines personnes et pas d'autres,
pourquoi est-il parfois si difficile d'aimer,
d'où me vient cette impression de douter de ce que je ressens ?...
C'est quoi aimer ?
Est-ce inné ?
Est-ce appris... et si oui, où donc ? Et comment ?
Alors, en tant que thérapeute, qu'avais-je à prendre en compte de ce domaine ?
Jusqu'où, avais-je quelque chose à prendre en compte ?
Et comment ?
Alors,
« Aimer »... cet élan tellement universel et tellement différent d'une
personne à l'autre est devenu, en quelque sorte, mon domaine préféré
d'exploration,
et c'est une des raisons de ma présence ici :
partager avec vous où j'en suis dans cette compréhension...
En
effet, de plus en plus, il m'a paru important pour les professionnels
de la relation d'aide que nous sommes, de posséder des clés théoriques
pour réfléchir à cet aspect essentiel de la vie humaine, au coeur de
notre travail, afin d'avoir des repères pour nous guider dans nos
interventions, et dans notre réflexion éthique.
En abordant le thème de cette façon, vous aurez certainement compris que nous sommes là
au coeur du royaume des phénomènes de transfert et de contre-transfert.
Je
pourrais donc traduire ce que je viens de dire en d'autres termes, et
vous dire que ce que je cherche à partager avec vous, c'est ma
compréhension de la manière dont les mécanismes de transfert et de
contre-transfert s'insinuent dans nos relations !
Dans mon propos je développerai
Pour
commencer la manière dont l'être humain construit sa capacité à aimer
en partant de la description du développement de l'enfant. (du moins ce
que je peux vous en dire sur 1h)
J'envisagerai en particulier le
rôle, dans ce processus, de la reconnaissance et de la construction des
frontières individuelles qui me paraissent être au coeur de l'origine
tant de la capacité à aimer l'autre, qu'à l'estime de soi.
Je ferai le lien ensuite avec différents concepts d'AT
Pour
déboucher ensuite, si nous en avons le temps, les implications de cette
compréhension sur le processus thérapeutique ainsi que les règles et le
cadre nécessaire au changement (et les règles éthiques).
1. COMPOSANTES ET QUELQUES DEFINITIONS
« Aimer »,
un mot que tout le monde connaît, et qui est pourtant tellement flou :
si j'en demandais la définition ici, chacun en aurait une définition
différente ! Pourtant, nous avons tous l'impression de savoir de quoi
il s'agit !
1.1. Tout d'abord quel est le lien entre « Aimer » et « s'attacher »
Aimer : symétrie
S'attacher :
dissymétrie. Attachement dans le sens défini par la théorie de
l'attachement amorcée par J. BOWLBY. ; attachement se produit pport à
une personne qui assure une sécurité (ou sensée l'être)
1.2. Les différentes formes d'amour selon les grecs :
AGAPÊ ; EROS ; PHILIA ; STORGÊ
Agapē
(ἀγάπη) est le mot grec pour l'amour « divin » et « inconditionnel »,
amour spirituel. Les philosophes grecs du temps de Platon l'utilisaient
dans un sens supposé universel, c'est-à-dire opposé à un amour
personnel ; cela pouvait signifier l'amour de la vérité, ou de
l'humanité.
Eros est l'amour physique,
Storgê : l'amour familial et
Philia, l'amitié, le lien social.
1.3. Etre « Sujet » en lien avec un autre « sujet »
Lorsque l'on parle d'aimer, on parle de lien, de relation,
Donc
il s'agit d'une personne qui ressent un élan vers une autre personne,
entre en contact avec elle, et répète ce contact répété à travers le
temps avec une autre personne. Il y a donc pour les 2 partenaires une
notion de durée et une projection dans le futur, qui évoque aussi
beaucoup l'attachement. Chacun des partenaires a une représentation
interne de cette relation qui dure, de sorte que l'un et l'autre dise
« j'aime untel » « je suis aimé par untel » .
Nous verrons dans la suite en quoi la reconnaissance aussi joue un rôle important dans cette construction.
Nous verrons dans la suite comment reconnaissance, besoins, s'articulent.
Aimer, c'est une danse ensemble... Il y a du plaisir à évoluer ensemble et... des faux pas !
Où est-elle apprise ?
2.
QUESTION D'AMOUR : MOI et L'AUTRE conditions pour qu'aimer soit
possible ou « comment l'adulte construit sa relation d'amour »
2.1.
Frontière soi-Autre, individuation, différenciation : En effet, aimer
suppose que chacun ait de bonne frontières personnelles, qu'il soit
différencié (individuation). Dans le cas contraire, l'apparente relation
n'est jamais qu'une fusion, une symbiose, il n'y a pas vraiment 2
personnes... Peut-on alors parler d'aimer ??? Il s'agirait plutôt
d'attachement, comme un enfant qui ne peut vivre seul.
2.2.
Narcissisme primaire : l'individu doit avoir reçu sur lui un regard
positif, qu'il ait senti qu'il était le bienvenu sur terre !
2.3. Capacité d'établir le lien, de s'engager (s'attacher), respecter l'autre et soi
2.4.
Choix de la distance avec l'autre : si je ne peux choisir, je suis
dépendant de l'autre, ou l'autre est dépendant de moi...
3. LE DEVELOPPEMENT DE L'INDIVIDU : APPRENTISSAGES
Le vivant apprend, cf les pissenlits apprennent !
Danse de l'approche et la distance : apprentissage corporel
La
croissance est une suite d'apprentissages qui se produisent dans une
alternance de croissance au sein d'un contenant, suivie d'une « sortie »
de ce contenant, càd de séparation.
Grandir, c'est grandir dans le lien.
Etre
adulte, ce n'est pas être indépendant des autres, mais pouvoir choisir
ses relations càd choisir de qui je serai dépendant et qui sera
dépendant de moi, et comment, jusqu'où. (ma définition de
l'inter-dépendance).
L'apprentissage que l'enfant fait portera sur plusieurs plans :
- Comment il vit le « contenant »
- Comment il vit l'accordage
− Comment les « ratés » d'accordage seront restaurés.
Sa
« sensibilité »... et dès lors ses « conclusions » seront dépendantes
également du « stade » de développement qu'il a atteint (cf
oral-anal-phallique...-)
3.1. La dyade mère-enfant... et le père, généralités
3.2. Le foetus : enregistre sensations, tensions, mouvements bien être/mal être
3.3.
La naissance et la période de dépendance absolue (0-2 mois) :
cataclysme, tensions, douleurs, changements brutaux... accueil
3.4. La période de dépendance relative : 2-8 mois
3.5. L'amorce de l'autonomie motrice : 8 mois- 2ans
Tout
ce vécu s'ancre dans le corps et crée ce que Berne a appelé
« Protocole » : l'apprentissage s'ancre dans le corps. C'est dans son
corps que l'enfant enregistre « comment il est respecté », comment il
peut réparer les ratés du contact avec sa « mère », comment elle répare
les ratés du contact avec lui, comment aussi il est respecté dans ses
besoins de non-contact !!!
La reconnaissance à ce stade se manifeste
dans le mouvement de l'un vers l'autre, dans l'acceptation des
tentatives tant de la mère que du bébé, de restaurer le contact, ou
d'accepter qu'il n'ait pas lieu
Il va donc « ancrer » des croyances à un niveau corporel ;
Si
tout se passe bien il se sentira quelqu'un qui vaut la peine d'être
respecté, aimé... Mais il pourrait aussi conclure qu'il doit se
soumettre, ou qu'au contraire, il peut tout faire : maman est ma
servante et j'en fais ce que je veux
3.6. Le langage
3.7. La triangulation, le Père comme séparateur, l'Oedipe : 3 ans
3.8. La socialisation, l'école
Processus
relationnel, apprentissages qui vont confirmer ou compenser les
apprentissages précédents, mais à chaque moment de stress, l'enfant ira
chercher ses ressources dans ses « bases », les apprentissages les plus
anciens.
3.9. L'adolescence. Réorganisation, poids du groupe, prise de distance par rapport à soi, vie spirituelle....
3.10. L'âge adulte... la professionnelle, la vie de couple, les enfants....
Bowlby, Winnicott, Cornell, Fonagy... neurosciences
Freud, Piaget, courant psychanalytique de la relation d'objet
Jessica Benjamin
4. LES ETATS DU MOI STRUCTURAUX SELON J. GREGOIRE
4.1. Je bouscule les repères AT classique,
4.2. Le développement sur la ligne de temps (dessin)
5. LES APPRENTISSAGES
5.1. Le rôle de la reconnaissance : Spitz, psychanalyste ; Ricoeur ; Honneth etc...
En particulier : Jessica BENJAMIN
Pour exister à nos propres yeux, nous devons exister pour un Autre.
Personne
ne peut se dégager de la dépendance de l'autre, du besoin de
reconnaissance. Pour pouvoir se vivre d'égal à égal avec les autres
humains, l'enfant doit vivre des relations dans lesquelles il est
reconnu ET reconnaît l'autre. C'est cet équilibre entre les deux
mouvements qui lui permet de se différencier.
La
reconnaissance est cette réaction qu'a l'autre qui me permet de donner
sens à mes émotions, intentions et actions. Pour le tout petit, la
« reconnaissance » passe par le corps, le mouvement, le regard, les
bruits... C'est la reconnaissance de l'autre qui permet au « moi » de
prendre concrètement conscience de son pouvoir d'action.
La
reconnaissance inclut non seulement la réaction/confirmation de l'autre,
mais aussi mon propre vécu de cette réaction. L'enfant a du plaisir à
percevoir la réaction à ses propres actes.
Ces « réponses
contingentes » confirment l'enfant dans son activité et le bébé s'engage
dans des activités dans lesquelles il a un impact. Les bébés cherchent
à partager l'expérience émotionnelle avec leur mère, et pas seulement à
vérifier qu'elle est là quand ils vont vers leurs jouets
L'enfant a du plaisir à ETRE AVEC l'autre.
La
reconnaissance est un élément présent à toutes les phases de
développement, dans tous les événements. Un peu comme la lumière du
soleil est présente et nécessaire dans toutes les phases de la
photosynthèse car elle fournit l'énergie qui permet à la plante de
transformer les éléments nécessaires à sa croissance.
L'individu
qui a vécu des interactions positives a une frontière souple, lui
permettant de rentrer en lien avec l'autre sans risque de « se perdre »
Atteindre
la position d'égalité nécessite que j'aie fait l'expérience de
partage. Dans l'interaction intersubjective, les deux partenaires sont
actifs, il n'y a pas un qui fait et l'autre qui subit, et donc pas de
renversement de positions. « Etre avec » annule l'opposition entre
puissant et impuissant ; passif et actif. C'est la base de la
compassion.
Pour exister à nos propres yeux, nous devons exister pour un Autre.
5.2. Les couacs
On peut alors observer ce qui se passe lorsque ce fragile équilibre relationnel dérape :
Par
exemple, l'enfant ne peut plus ni s'engager ni se dégager de la
relation dans laquelle il ne se sent ni séparé, ni uni, dans laquelle
même le retrait est impossible. Le contenant n'est pas adéquat.
Dans
un processus négatif de reconnaissance, il vit par exemple, que la
solitude n'est possible qu'en oblitérant, niant l'autre. Ou bien il vit
que l'accordage n'est possible qu'en se soumettant à l'autre. Il doit
alors créer une frontière « défensive » »contre l'autre, alors que
l'individu qui a vécu des interactions plus positives a une frontière
plus souple, qui lui permet d'être en lien avec l'autre sans risque de
« se perdre »
Les dérapages conduiront par exemple aux apprentissages suivants :
Je
suis tout puissant : L'enfant croit qu'il peut être indépendant sans
avoir à reconnaître l'autre (maman est ma servante et fait tout ce que
je veux) ;
L'Autre n'est pas séparé (elle m'appartient, je la contrôle) ;
La mère est toute puissante et l'enfant se vit impuissant, et fait des efforts pour être celui qu'il croit que sa mère attend ;
Dans
la dialectique du contrôle : si je contrôle totalement l'autre, il
cesse d'exister, si je suis totalement contrôlé par l'autre, je cesse
d'exister.
(Pensons à l'éducation « dressage », fréquente dans les générations qui nous précèdent...)
Donc adulte, la personne va entrer en relation avec l'autre avec tous ces apprentissages/souvenirs comme bagages, comme repères.
En
particulier dans les relations amoureuses, nos sommes stimulés dans le
vécu corporel. C'est donc une « occasion » de raviver des souvenirs
corporels de la petite enfance, et nos attentes peuvent alors être
celles de l'enfant qui rêve d'avoir ce que sa mère, ou son père, n'a pas
pu lui offrir comme présence... Ou bien, il répète ce qu'il sait de
« comment cela marche »... et fait « plus de la même chose »... qui va
provoquer... plus du même résultat » !
6. ET L'AT ?
6.1. Le protocole
6.2. Scénario
6.3. Symbiose
6.4. Racket
6.5. Jeux psychologiques, jeux de pouvoir
6.6. Et le transfert là-dedans ?
7. CONSEQUENCES SUR LE PLAN THERAPEUTIQUE
7.1. Le lien thérapeutique :
Au
vu de ce que j'ai développé ci-dessus, vous conviendrez que le lien
thérapeutique ne peut ressembler QUE au type de lien que la personne a
l'habitude de créer avec les autres ! Donc, ce lien sera empreint de
tous les apprentissages relationnels.
Il s'agira de chercher quels sont ceux sur lesquels s'appuyer et... s'attendre aux autres !
La
question pour le thérapeute et son client devient : quel cadre se
donner pour permettre l'apprentissage de nouvelles manière d'entrer en
lien, tant avec les autres qu'avec soi-même
Càd : quelles conditions doivent-elles être remplies pour que de nouveaux apprentissages soient possibles
7.2. Le cadre
Eric
Berne a beaucoup mis en avant la question du contrat, qui est une forme
de cadre. Mais l'accent est surtout mis sur l'objectif à atteindre.
Les autres conditions (à part celles qu'il appelle « le contrat d'affaire ») sont peu explicites... et pourtant
Dans
son ouvrage « Structure des organisations et des groupes », il décrit
clairement l'importance des frontières. Il est dommage que peu
d'attention ait été porté jusqu'ici à cette notion de « cadre »
Contenant
protecteur, cadre-appui, limite de ce qui est possible, c'est au sein
de ce contenant-relation que le travail va s'effectuer.
Acceptation, soumission, transgression, rébellion... Choix
Réf à l'article très intéressant de Jean Maquet à ce sujet..
Faire le dessin...
C'est
donc au sein de ce cadre, que les apprentissages relationnels auront à
être explorés. La question est aussi : comment faire pour qu'ils
puissent être explorés en sécurité ?
La réponse à cette question tient à 2 axes :
Le premier, c'est la solidité de la théorie de référence, (cf séminaire ac Jean)
Le second, les règles éthiques et déontologiques...
L'un est en lien direct avec l'autre !
8. ETHIQUE ET DEONTOLOGIE
Si notre code-charte éthique insiste tellement sur l'importance des priorités de contrat,
C'est pour le respect des frontières, de la neutralité, le maintien du cadre.
Si l'EATA a mis au point une procédure de médiation, c'est pour permettre une triangulation « hors de »
J'entends
très souvent dire : « le thérapeute doit protéger son client »... je
pense que c'est impossible !!!! Par contre, le rôle du thérapeute est
d'offrir un CADRE tel que l'exploration du vécu du client soit
possible... ce qui est bien différent. Exige neutralité, bienveillance,
accords par rapport au travail à accomplir, formation continue...
