PrémissesEric Berne a mis des mots simples et imagés sur des phénomènes complexes : articulation entre l’intra-psychique et la communication interpersonnelle, interpénétration du développement interne et des fixations comportementales, coexistence des observations factuelles (externes) et des interprétations psycho-dynamiques (internes). Il a aussi manifesté un don tout à fait étonnant pour proposer des schémas clarifiants pour illustrer ses propos cliniques.
Pour autant, les concepts berniens ne sont pas des concepts « finis ». A titre d’exemple, on rappellera que José Grégoire a bien montré que les Etats du Moi pouvaient être considérés comme trois systèmes en interaction. Une telle vision est cohérente à la fois avec l’origine du concept (chez Paul Federn) et avec la critique qu’en a faite par Fritz Perls du vivant même d’Eric Berne. Ainsi, on peut sans doute considérer que chaque concept de Berne recèle des zones non défrichées, des points de tension et des incohérences possibles.
Par ailleurs la psychothérapie et l’intervention montrent de manière chaque jour plus évidente la pertinence du recours à des emprunts collatéraux à d’autres disciplines ou méthodes ; on pense ici, à titre d’exemple, à l’analyse du transfert et du contre-transfert, ou au registre du symbolique dans les groupes.
En même temps, les communautés de l’Analyse Transactionnelle se sont dotées de procédures d’accès à la compétence (101, examens) qui ont inévitablement engendré un registre standard commun. Outre que la maîtrise d’un tel registre est supposée présumer une compétence tant théorique que pratique, elle concourt, au niveau de la transmission, à un évitement de la mise en question des concepts et de leur utilisation.
Nous voulons affirmer ici que l’Analyse Transactionnelle ne peut survivre comme pratique clinique et d’intervention qu’en tant qu’elle vit comme un corpus de concepts sans cesse retravaillés et enrichis dans leur sens, leurs articulation et leur cohérence profonde. | MéthodesCette mise en marche de la pensée créative suppose la mise en œuvre de deux attitudes complémentaires :
D’une part une co-création entre praticiens et théoriciens au sein d’espaces d’échanges, selon une sorte de processus « en spirale », fait d’allers et retours et d’ échanges avant de fixer (provisoirement) les idées.
D’autre part une ouverture à d’autres méthodes, à d’autres disciplines, à d’autres institutions, au premier rang desquels la psychanalyse, mais pas exclusivement ; même si Berne disait de la psychanalyse qu’elle devait commencer là où l’analyse transactionnelle s’arrêtait, sans pour autant avoir pu développer ce qu’il entendait par là.
La démarche initiée par José Grégoire dans son livre sur Les Etats du Moi-trois systèmes interactifs, et plus modestement l’article collectif de Brigitte Evrard, José Grégoire, Jean Maquet, et Jean-Pierre Quazza sur l’Autonomie des pratiques : peut-on transiger avec la théorie ? (AAT, N°131) ou l’organisation par le Comité Scientifique de l’Ifat d’un colloque international sur les ratés et ruptures de la relation en AT ou encore l’article de Jean Maquet sur Berne, la réflexion clinique et la théorie (AAT N°138, à paraître) portent témoignage de cette approche et ouvrent la route à de nouvelles explorations. |